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La discrimination n’est pas une fatalité
La discrimination n’est pas une fatalité
Discrimination à l’emploi ? Alboury N’Diaye pense qu’une amélioration est possible. Il a décidé de le montrer en créant Mosaïque emploi à Besançon.
Parallèlement à une thèse sur les inégalités sociales face à la santé, Alboury N’Diaye a beaucoup réfléchi aux discriminations, avec l’emploi au cœur du problème. Pour faire avancer les choses, il vient de créer Mosaïque emploi à Besançon. Sans se lamenter, mais en gardant un esprit positif : « il s’agit de promouvoir les compétences des personnes issues de la diversité ». S’il a un discours théorique sur les discriminations, sa démarche est très concrète : accompagner les personnes, les conseiller, aller à la rencontre des entreprises, susciter un rapprochement. Ils sont déjà une vingtaine à recevoir son aide pour trouver un emploi, un stage ou un conseil alors que Mosaïque emploi n’ouvre vraiment qu’en avril. Sa démarche rencontre des échos. Des professeurs, une psychologue, des élèves éducateurs spécialisés l’ont appelé pour proposer leur aide bénévole.
Du côté des entreprises, les premières réponses sont « plutôt favorables ». Si la discrimination en matière d’emploi est indéniable – tous les testings et expériences de CV anonymes le montrent –, elle est selon lui beaucoup plus fondée sur des réserves « de comportement, de posture, de ponctualité, de correction » que sur les origines. « La base du problème, ce sont les idées préconçues sur les jeunes issus des quartiers, fondées sur la pensée spontanée ». Aucun angélisme de sa part : « la méconnaissance est mutuelle. D’un côté, le chef d’entreprise dit qu’il faut mettre un costume pour venir à un entretien d’embauche, mais de l’autre le jeune dit « mais on va se moquer de moi, je ne vais pas à un mariage !». Mais à un moment, il faut faire un effort. Je trouve légitime qu’un entrepreneur veuille voir quelqu’un de bien habillé. Cela ne veut pas dire qu’une personne qui a une casquette ou un piercing n’a pas de compétences, mais une entreprise fonctionne avec ses propres codes auxquels il faut s’adapter. Le souci principal de l’entrepreneur n’est pas d’embaucher un Blanc, un Chinois ou un Arabe, mais de faire fructifier son entreprise».
Alboury estime le rapprochement possible. Il veut non seulement initier des visites d’entreprises, mais, de façon plus originale, met par exemple au point un dispositif nommé « un patron, un quartier » par lequel il espère organiser des rencontres et des discussions informelle, hors du cadre de l’entreprise. « Les jeunes doivent prouver qu’ils sont sérieux, qu’ils se lèvent le matin, qu’ils sont compétents, mais je pense que pour cela ils ont besoin d’être accompagnés ».
Bien entendu, il ne nie pas la discrimination liée aux origines. Il a eu lui-même à la subir lorsqu’il travaillait dans la restauration et qu’on lui demandait de ne pas apparaître en salle. Il connaît « des diplômés bac+5, compétents dans des domaines comme la productique ou les microtechniques, domaines dans lesquels la région est bien pourvue, qui n’arrivent même pas à trouver ne serait-ce qu’un stage ». « C’est souvent de l’ordre du ressenti mais il y a aussi des entretiens où l’on s’intéresse plus aux origines de la personne qu’à ses compétences et à ce qu’elle pourrait apporter . C’est encore plus vrai dans le domaine du logement, avec un double effet de discriminations dues au faciès et d’ordre économique : quand on ne travaille pas, c’est difficile de donner des garanties financières. Mais ne pas trouver de logement quand on travaille, c’est déjà moins compréhensible. Alors quand on dit aux jeunes de « désenclaver », il faut voir que c’est très difficile pour eux de trouver un logement au centre-ville. Résultat, ils restent dans leur quartier ». Dans ce cadre, il est réjouissant pour lui d’avoir été rejoint par une psychologue : « elle veut aider ces gamins à encaisser les coups car, vous savez, c’est très dur ».
Il souhaite aussi leur donner des « références qui ne soient pas celles d’une minorité qui fait le cirque ». Là encore, son discours n’a rien de banal : « il faut leur donner des exemples de réussite, mais pas toujours les sportifs. Il y a l’entreprise privée, mais tout le monde ne peut pas être chef d’entreprise. Je veux leur dire qu’ils peuvent faire des choses, qu’ils ont des compétences, qu’ils peuvent devenir boulanger, conseiller à la banque, gendarme. Bien sûr qu’il y a des discriminations. Mais il y a deux solutions : soit on pleurniche, soit on réagit, avec une forme de rébellion qui doit être d’abord contre soi-même ».

Stéphane Paris

Mosaïque emploi, 06 22 43 93 81

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